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Mi vida portena, des nouvelles de Buenos Aires
Mi vida portena, des nouvelles de Buenos Aires
31 mai 2011

Populisme

Malgré une année d’intense activité politique, entre la mort de l’ex-président Nestor Kirchner et le lancement de la campagne présidentielle, il m’a semblé difficile de saisir les clés et les enjeux du système politique argentin. Si vous pensiez que la scène politique française était une grande pagaille, il suffit d’essayer de comprendre les pages politiques des journaux argentins (qui en plus se contentent souvent de n’écrire que le sigle des partis sans en donner la signification) pour se convaincre du contraire. D’abord, le système de partis est très morcelé : il existe une multitude de petits partis, multitude aggravée par le fédéralisme, chaque province possédant ses propres acteurs politiques et ses propres partis. Et même au sein des grands partis nationaux, les divisions sont si grandes qu’on a du mal à envisager le parti comme un bloc solidaire. Prenez l’exemple du Partido Justicialisto qui a mené à la présidence à la fois Carlos Menem et sa politique ultralibérale et Nestor Kirchner, centre-gauche, et sa volonté de développer le service publique et d’augmenter l’intervention de l’Etat dans le social et l’économie. A côté du PJ, le Parti Socialiste français parait d’une homogénéité idéologique et d’une solidarité interne saisissante. J’ai tenté tant de fois de dresser le spectre du système de partis argentin, de l’extrême-gauche à l’extrême-droite, en vain.

En réalité, je crois qu’il est peu pertinent d’essayer de lire la politique argentine à travers la grille classique de l’opposition gauche/droite (peut-être serait-il plus judicieux d’adopter la division nord américaine, entre libéraux et conservateurs ?) car les partis ne disposent pas d’une ligne idéologique bien claire, conséquence, selon moi, de l’histoire politique du pays. D’une part, Perón occupe une place tellement importante dans l’histoire et le cœur des argentins qu’aucun parti ne peut vraiment rejeter et s’opposer au péronisme. Au final, presque tous finissent par se réclamer du péronisme, mais le péronisme lui-même étant originellement un objet politique insaisissable, pot-pourri idéologique essentiellement fondé sur le populisme et le charisme de son leader et de sa femme Evita, que le spectre de l’héritage péroniste s’étend de l’extrême-droite nationaliste à l’extrême gauche socialiste. L’héritage péroniste est en réalité essentiellement populiste, comme le montrent les présidences de Nestor et Cristina Kirchner : leader charismatique et discours destiné aux masses populaires du pays, tout en gardant quelques amis dans le monde des entrepreneurs et investisseurs. D’autre part, le traumatisme de la dictature militaire a engendré chez les argentins une peur des extrêmes et donc un discours politique très centralisé. Ce qui aggrave l’illisibilité du système politique argentin, chacun prenant bien soin de ne pas tenir un discours trop radical.

 “Es simple, hay el kirchnerismo y punto. Todo lo demás es basura!” Chauffeur de taxi porteño.

« C’est simple, il y a le kirchnerisme et point. Tout le reste ne vaut rien ! »

Ce qui est en revanche très clair, c’est le quasi vide politique en face du kirchnerisme, au point que ses adversaires abandonnent d’eux-mêmes la course à la présidentielle (Macri, gouverneur de la Province de Buenos Aires et donné candidat à la présidentielle, a finalement décidé, devant le taux de popularité de l’actuelle présidente, de ne pas se présenter pour ne pas prendre le risque de perdre et la présidence et la province). Lors de la mort de Nestor Kirchner le 27 octobre dernier, ils étaient des millions à marcher en direction de la Casa Rosada, siège du gouvernement, pour rendre hommage à leur ancien leader et montrer leur soutient à sa femme, l’actuelle présidente. C’était très impressionnant, ces dizaines de cuadras remplies de pancartes et cris de soutient, de photos de l’ex-président, de chants et de musique. Grâce à la popularité de son mari, responsable entre autre de la sortie de la crise économique de 2001, du développement du système social argentin et du travail de mémoire à travers de l’annulation de l’amnistie envers les acteurs de la dictature militaire, Cristina se dirige tranquillement vers la réélection (les sondages la donnent gagnante au premier tour) pendant que l’opposition lutte désespérément pour s’organiser derrière un candidat unique.

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