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Mi vida portena, des nouvelles de Buenos Aires
Mi vida portena, des nouvelles de Buenos Aires
15 mars 2011

Fernet

"To be honest with you, this is a bartenders drink. It's dark, disgusting, vile, evil and unabashedly brilliant. It's possibly the worst thing you can ever drink and possibly why we bartenders drink it."

- "Pour être honnête, c'est une boisson de barman. C'est noir, dégoutant, ignoble, mauvais et incorrigiblement génial. C'est probablement la pire chose que vous puissiez boire et c'est peut-être pour ça que les barman en boivent."

Mais quelle est donc cette boisson "noire, dégoutante, ignoble, mauvaise"?

Inventé dans un but médical par un pharmacien italien, le fernet est une liqueur à base de plantes (gentiane, rhubarbe, aloes, safran, camomille, cardamome, avec une base de raisin, etc en fait on ne connait pas tous les composants, la rumeur dit qu'il y a aussi de l'absynthe, des champignons, de la betterave, enfin bon on en sait rien quoi).

Ca a beau être italien, il n'y a que les argentins pour boire ce truc. L'Argentine est le plus gros producteur et consommateur au monde (et très certainement le seul) avec 15 millions de litres vendus par an (dont 35% à Buenos Aires et 30% à Cordoba, qui est 3 fois moins peuplé que la capitale). 45% d'alcool au compteur, plus que le whisky ou la vodka, un goût très prononcé de médicament et très amer, comme un Jagermeister mais sans sucre, supposé bon pour la santé, notamment pour la digestion et le traitement de la gueule de bois*, vous ne pourrez PAS passer à côté du fernet ici. En soirée avec des argentins, l'équation est simple: la cerveza Quilmes (bière nationale très légère, pour ne pas dire avec un goût inexistant) + fernet con coca. Le fernet-coca, c'est la clé de ton intégration sociale et fiestale.

Alors bon, puisque c'est la boisson nationale, on goûte. Et la première confrontation avec le fernet coca est souvent traumatique:

"Ahh mais c'est dégueu!" "I thought I was going to die the first time I tasted it, I actually might have gagged. It was terrible" , "I wasn't prepared for something like that" (je précise que ces deux derniers témoignages sont de la part de gros malades qui ont goûté le fernet pur). A chaque nouvel étranger fraichement arrivé sur Buenos Aires, j'ai cette petite exclamation sadique "Quoi??? T'as pas encore goûté le fernet?? Attend ten ten, ca va pas du tout là, t'es en Argentine mon petit, tiens prend un verre." Gorgée ... "Ah oui c'est spécial quand même" ou le classique "Mais c'est immonde ton truc!" "Oui mais tu vas voir, on s'habitue." 

Parce que oui on s'habitue. Comme le mate, comme la bière sans goût, comme le trafic des bus, on fini par aimer le fernet con coca: 

"The point being is that we've trained ourselves, with grimaces and pride to like this black sludge. To pass it on to our friends and hapless passer byes - and give them a glimpse into the secret world behind the bar. If anything Fernet is more then a drink, it's a nod, a handshake, a coded message that lets the pourer and imbiber know of a special club that not everyone can enter. A challenge that not all can face, but yea to those who walk in the valley of the shadow of death."

- "C'est qu'on s'est entraîné, avec des grimaces, et qu'on est fiers d'aimer cette boue noire. De le tendre à nos amis et aux inconnus malheureux et de leur donner un aperçu du monde secret de derrière le bar. S'il y a quelques chose de sûr, c'est que le fernet est plus qu'une boisson, c'est un signe de tête, une poignée de main, un message codé qui donne au serveur et au buveur l'accès à un club spécial qui n'est pas ouvert à tous. Un défi que tout le monde ne peut pas relever, seulement ceux qui marchent dans la vallée de l'ombre de la mort." (c'est beau)


*Et effectivement, j'ai l'impression que le fernet est la garantie contre le mal de cheveux du lendemain. 

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